Rapport sur le millésime 2014
Les investisseurs piaffent d'impatience! Si les millésimes de 2011 à 2013 ont été très moyen, trop chers pour les investisseurs, le cru 2014 devrait rafler la mise, tant tous les paramètres semblent être au rendez-vous.
On se souvient que les campagnes 2011, 2012 et 2013 n’avaient pas remporté l’engouement attendu par les investisseurs jugeant les prix trop élevés malgré 3 années consécutives de baisse.
Avec la mise en marché du très beau millésime 2014, les cartes ont changé et la campagne devrait relancer l’intérêt pour l’investissement dans le vin.
D'un point de vue qualitatif, le millésime 2014 à Bordeaux est nettement supérieur aux trois millésimes précédents, même s’il n’égale pas les millésimes de légende que sont les 2009 et 2010. Le cru 2014 présente un très beau potentiel de garde et pourra même se déguster jeune.
Si l’on se positionne côté Château, les volumes produits sont moyens sur ce 2014 : 30 à 35hl/ha pour le 2014. La plupart des châteaux ont massivement investi et disposent de stocks dans les 3 derniers millésimes difficiles à revaloriser. Ils ont besoin de réaliser une bonne campagne. Il n’est pas exclu qu’ils commercialisent en différentes tranches pour inciter les négociants à l’achat et valoriser progressivement les volumes mis en vente.
Contrairement aux années précédentes, les acheteurs internationaux se sont déplacés cette année à Bordeaux lors de la semaine des primeurs du 30 mars au 2 avril dernier. Faut-il le rappeler, les américains n’achètent que les grands millésimes et lorsque la parité dollar/euro leur est favorable. C’est le cas actuellement. Les acheteurs anglais se sont montrés intéressés et ont même signé dès février dernier une lettre ouverte à Bordeaux pour plaider en faveur de prix raisonnables.
Les vins rouges
Ce formidable automne ayant permis d’obtenir à la fois une maturité et une concentration maximales, les niveaux d’alcool sont naturellement élevés et se situent entre 13,5° et 14,5° pour les merlots et entre 12,5° et 13,5° ou plus pour les cabernets. Cependant, le style des vins, avec des pH bas et une acidité initialement importante, a été marqué par la fraîcheur de l’été et la croissance végétative prolongée de la vigne. Les vins donneront donc une impression de puissance mais aussi de grande fraîcheur. L’acidité des moûts a logiquement disparu au cours de la fermentation malolactique, les vins ayant de toute façon toujours tendance à perdre leur acidité tartrique. À ce stade, une belle puissance et une certaine douceur sont en train de s’installer, la fraîcheur provenant uniquement des faibles pH. Les tannins de certains merlots sont modérés du fait de la véraison difficile mais sont en train de développer un caractère doux et velouté, très agréable, qui s’explique certainement par le fait que les vendanges ont souvent été repoussées. Cela a permis de limiter les saignées sur les merlots, qui n’ont été effectuées que lorsque la taille des raisins l’exigeait et n’ont pas déséquilibré les tannins. La qualité des cabernets est également très satisfaisante, qu’il s’agisse des cabernets francs de la rive droite ou des cabernets sauvignons de la rive gauche. Ces vins sont en général moins variables que les merlots et souvent très denses et tanniques, et présentent de beaux arômes profonds. Le rendement est plutôt bon rive gauche (environ 40 hl/ha); un peu moins rive droite. Bien sûr, chaque millésime est unique, mais la période des vendanges évoque toujours des souvenirs d’autres millésimes récents. En septembre, l’association de puissance et de fraîcheur rappelait l’année 2001, où l’été médiocre avait lui aussi été suivi d’un automne magnifique (mais plus frais). On s’est toutefois rendu compte, au fur et à mesure des vendanges, et encore maintenant que s’affirme la superbe qualité des cabernets, que les vins de 2014 ont considérablement plus de puissance et que leurs tannins sont plus mûrs que ceux de 2001. Dans les régions où le cabernet est dominant, ou pour certains merlots plutôt tardifs de la rive droite, certains évoquent les millésimes 1996, 2006, 2000 et parfois même 2005, à cause des tannins solidement intégrés.
Les vins blancs secs
À Pessac-Léognan, 2014 est vraiment considéré comme un grand millésime pour les blancs. Les conditions optimales de vendanges, après un été plutôt frais, ont beaucoup réussi au style classique de ces vins, qui demandent une certaine floralité et une acidité équilibrée, mais aussi de la puissance et de la plénitude. Le millésime 2014 associe parfaitement ces éléments. Tout en finesse et en fraîcheur, il présente aussi une grande puissance : les sauvignons dépassent régulièrement les 14° !
Les Sauternes
Comme pour les blancs secs et les rouges, la combinaison de puissance et d’acidité portera ce millésime à un très haut niveau. Les deux phases des vendanges ont produit des moûts remarquablement uniformes en termes de sucres résiduels, malgré d’importantes différences entre les petites tries de septembre et celles, massives, d’octobre. Ces écarts se manifestent au niveau de l’acidité des vins, très forte pour la récolte de septembre, moins pour celle d’octobre, de sorte que l’assemblage donnera des vins très vifs, presque autant qu’en 2001. Ces vendanges en deux phases ont également abouti à une grande différence de style : très frais et fruité pour la première, et beaucoup plus complexe pour la deuxième. C’est surtout l’association entre complexité et pureté qui en fera un grand millésime. Tout cela au détriment du rendement, qui se situe en général aux alentours de 8 à 10 hl/ha, avec quelques exceptions à 15 hl/ha.
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On se souvient que les campagnes 2011, 2012 et 2013 n’avaient pas remporté l’engouement attendu par les investisseurs jugeant les prix trop élevés malgré 3 années consécutives de baisse.
Avec la mise en marché du très beau millésime 2014, les cartes ont changé et la campagne devrait relancer l’intérêt pour l’investissement dans le vin.
D'un point de vue qualitatif, le millésime 2014 à Bordeaux est nettement supérieur aux trois millésimes précédents, même s’il n’égale pas les millésimes de légende que sont les 2009 et 2010. Le cru 2014 présente un très beau potentiel de garde et pourra même se déguster jeune.
Si l’on se positionne côté Château, les volumes produits sont moyens sur ce 2014 : 30 à 35hl/ha pour le 2014. La plupart des châteaux ont massivement investi et disposent de stocks dans les 3 derniers millésimes difficiles à revaloriser. Ils ont besoin de réaliser une bonne campagne. Il n’est pas exclu qu’ils commercialisent en différentes tranches pour inciter les négociants à l’achat et valoriser progressivement les volumes mis en vente.
Contrairement aux années précédentes, les acheteurs internationaux se sont déplacés cette année à Bordeaux lors de la semaine des primeurs du 30 mars au 2 avril dernier. Faut-il le rappeler, les américains n’achètent que les grands millésimes et lorsque la parité dollar/euro leur est favorable. C’est le cas actuellement. Les acheteurs anglais se sont montrés intéressés et ont même signé dès février dernier une lettre ouverte à Bordeaux pour plaider en faveur de prix raisonnables.
Les vins rouges
Ce formidable automne ayant permis d’obtenir à la fois une maturité et une concentration maximales, les niveaux d’alcool sont naturellement élevés et se situent entre 13,5° et 14,5° pour les merlots et entre 12,5° et 13,5° ou plus pour les cabernets. Cependant, le style des vins, avec des pH bas et une acidité initialement importante, a été marqué par la fraîcheur de l’été et la croissance végétative prolongée de la vigne. Les vins donneront donc une impression de puissance mais aussi de grande fraîcheur. L’acidité des moûts a logiquement disparu au cours de la fermentation malolactique, les vins ayant de toute façon toujours tendance à perdre leur acidité tartrique. À ce stade, une belle puissance et une certaine douceur sont en train de s’installer, la fraîcheur provenant uniquement des faibles pH. Les tannins de certains merlots sont modérés du fait de la véraison difficile mais sont en train de développer un caractère doux et velouté, très agréable, qui s’explique certainement par le fait que les vendanges ont souvent été repoussées. Cela a permis de limiter les saignées sur les merlots, qui n’ont été effectuées que lorsque la taille des raisins l’exigeait et n’ont pas déséquilibré les tannins. La qualité des cabernets est également très satisfaisante, qu’il s’agisse des cabernets francs de la rive droite ou des cabernets sauvignons de la rive gauche. Ces vins sont en général moins variables que les merlots et souvent très denses et tanniques, et présentent de beaux arômes profonds. Le rendement est plutôt bon rive gauche (environ 40 hl/ha); un peu moins rive droite. Bien sûr, chaque millésime est unique, mais la période des vendanges évoque toujours des souvenirs d’autres millésimes récents. En septembre, l’association de puissance et de fraîcheur rappelait l’année 2001, où l’été médiocre avait lui aussi été suivi d’un automne magnifique (mais plus frais). On s’est toutefois rendu compte, au fur et à mesure des vendanges, et encore maintenant que s’affirme la superbe qualité des cabernets, que les vins de 2014 ont considérablement plus de puissance et que leurs tannins sont plus mûrs que ceux de 2001. Dans les régions où le cabernet est dominant, ou pour certains merlots plutôt tardifs de la rive droite, certains évoquent les millésimes 1996, 2006, 2000 et parfois même 2005, à cause des tannins solidement intégrés.
Les vins blancs secs
À Pessac-Léognan, 2014 est vraiment considéré comme un grand millésime pour les blancs. Les conditions optimales de vendanges, après un été plutôt frais, ont beaucoup réussi au style classique de ces vins, qui demandent une certaine floralité et une acidité équilibrée, mais aussi de la puissance et de la plénitude. Le millésime 2014 associe parfaitement ces éléments. Tout en finesse et en fraîcheur, il présente aussi une grande puissance : les sauvignons dépassent régulièrement les 14° !
Les Sauternes
Comme pour les blancs secs et les rouges, la combinaison de puissance et d’acidité portera ce millésime à un très haut niveau. Les deux phases des vendanges ont produit des moûts remarquablement uniformes en termes de sucres résiduels, malgré d’importantes différences entre les petites tries de septembre et celles, massives, d’octobre. Ces écarts se manifestent au niveau de l’acidité des vins, très forte pour la récolte de septembre, moins pour celle d’octobre, de sorte que l’assemblage donnera des vins très vifs, presque autant qu’en 2001. Ces vendanges en deux phases ont également abouti à une grande différence de style : très frais et fruité pour la première, et beaucoup plus complexe pour la deuxième. C’est surtout l’association entre complexité et pureté qui en fera un grand millésime. Tout cela au détriment du rendement, qui se situe en général aux alentours de 8 à 10 hl/ha, avec quelques exceptions à 15 hl/ha.
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QUELLES ONT ETE LES CONDITIONS CLIMATIQUES DE L'ANNEE 2014?
Un hiver bénéfique
Tout a commencé par l’hiver le plus humide depuis 50 ans et le plus chaud depuis 24 ans. Ces deux facteurs ont été déterminants pour le millésime : l’humidité a permis aux vignes de résister à un été très difficile et la chaleur a favorisé le démarrage très précoce du cycle végétatif. Les précipitations ont été deux fois supérieures à la norme en janvier et une fois et demie en février. Après trois années très sèches, qui avaient engendré de très faibles rendements, les nappes phréatiques ont pu se remplir et offrir à la vigne tout ce dont elle aurait besoin pour affronter la sécheresse à venir du printemps. La chaleur a été un facteur encore plus important que la pluviométrie car elle a favorisé le démarrage très précoce de la vigne. L’avance confortable ainsi acquise a permis de compenser le ralentissement de l’été. Durant l’hiver, il n’a gelé en tout que 8 fois, contre 26 habituellement, en novembre et en décembre. Les mois suivants, il n’a plus gelé et les températures ont dépassé les moyennes saisonnières de 3,8 °C en janvier et 2,3 °C en février. Le gel n’a donc pas gêné la taille, qui a pu aisément être programmée.
Un printemps prometteur
Le printemps a démarré en fanfare : entre le 7 et le 17 mars, les températures diurnes ont très vite atteint 20 à 21 °C, soit 6°C de plus que la norme. Une telle chaleur après la douceur de l’hiver aurait inévitablement provoqué un débourrement immédiat – une précocité très dangereuse – si les températures nocturnes n’avaient pas été si fraîches. Les bourgeons n’ont donc vraiment commencé à se développer que vers la mi-mars, conservant deux bonnes semaines d’avance par rapport au cycle habituel, et devançant de deux jours ceux de 1990 et 2011, deux autres années exceptionnellement précoces. Un tel début était de bon augure, la maturation, et donc les vendanges, ayant de fortes chances d’être précoces, ce qui représente presque toujours un facteur de qualité. Mais la nervosité était également au rendez-vous chez tous les membres, à cause du risque accru de gelées de printemps. En fin de compte, hormis quelques petits dégâts sur certaines parcelles basses du vignoble, surtout en Graves et en Sauternes, la fin du mois de mars et tout le mois d’avril sont restés sagement sous les 5 °C. Avril s’est révélé non seulement chaud mais également très sec, surtout au milieu du mois, et cette sécheresse a temporairement ralenti la pousse de la vigne. Celle-ci a cependant vite repris grâce aux averses qui ont suivi et, fin avril, nous conservions toute l’avance de mars. Depuis un certain temps déjà, les chefs de culture avaient commencé à ébourgeonner et éliminer les « entrec½urs », malgré le faible rendement annoncé, sans doute à cause des mauvaises conditions rencontrées en juin 2013 lors de « l’initiation florale ». Le mois de mai a été frais et humide, avec un pic de chaleur à la mi-mai, juste avant la floraison. Des conditions si variables peuvent compromettre l’éclosion des fleurs, et expliquent probablement les quelques cas de coulure et millerandage observés sur les grappes les plus précoces, surtout pour les merlots et sémillons. Mais la grande majorité des vignes a ensuite fleuri vite et bien pendant la première moitié d’un mois de juin très chaud : les températures ont plusieurs fois dépassé les 30 °C et la circulation de l’air était excellente. Tout ceci était très positif puisque l’avance de deux semaines constatée au débourrement était maintenue à la fin de la floraison, renforçant l’espoir d’une récolte précoce. La seule conséquence négative de la chaleur d’avril et de l’humidité de mai a été une attaque très vigoureuse d’oïdium et de mildiou, qui sont restés virulents jusqu’à la fin de la saison. Il a fallu se montrer extrêmement vigilant, surtout pour les nombreux Grands Crus passés partiellement ou totalement en viticulture biologique ou biodynamique, pour lesquels les traitements sont limités. La prévention s’est avérée la solution la plus efficace, à condition de réagir très vite et de déployer immédiatement machines et personnel, malgré la nécessité de poursuivre les travaux de routine (contrôle du feuillage, du sol et/ou de l’enherbement). L’efficacité des traitements de contact par rapport aux traitements systémiques– tous très coûteux – a été longuement débattue. La lutte contre le mildiou a été longue et onéreuse, mais elle s’est avérée efficace dans la mesure où personne n’a fait état de dégâts sur les grappes, et dans les parcelles où le mildiou s’était installé, seules les feuilles supérieures ont été touchées. Dans l’ensemble, grâce aux efforts tenacement déployés et à la grande précision des traitements, le mildiou a été bien maîtrisé, comme en 2000, et le feuillage a parfaitement contribué à la croissance jusqu’au bout.
Un été très décevant
Face à ces conditions préoccupantes, la réaction de la plupart des membres a été de procéder très rapidement à un premier effeuillage afin de favoriser la circulation d’air autour des grappes, malgré leur taille importante cette année. Un subit pic de chaleur à 31,5 °C le 21 juin, suivi d’un autre, encore plus sévère, à 35,3 °C le 17 juillet (le jour le plus chaud de l’année), a provoqué le brunissement de la peau de ces raisins tendres et non protégés. Pourtant, a posteriori, il semble que cette décision ait été la bonne car la grande majorité des grappes a pu tirer un avantage maximal de ce fabuleux mois de juin. Personne ne pouvait savoir que les derniers jours de juin marqueraient la fin du beau temps, qui ne reprendrait qu’en septembre. En effet, les températures n’ont dépassé que trois fois les 30 °C en juillet, et jamais en août, alors que ces deux mois comptent habituellement au moins 13 jours de fortes chaleurs. Un mauvais temps qui a également nui à la réputation de la région auprès des vacanciers… Par deux fois, en juin, les éléments se sont déchaînés. La grêle a causé de terribles dégâts dans le nord du Médoc la nuit du 8 juin, et de très fortes pluies sont tombées à l’intérieur des terres les 22 et 23 juin. Deux autres épisodes violents mais très localisés se sont produits en juillet. Le premier, le 19, a gâché le festival de jazz de Saint-Émilion et anéanti quelques parcelles dans l’est de cette appellation ; le second, le 25, a provoqué des inondations et des coulées de boue dans nos trois propriétés des Graves. Mais ces événements, bien que spectaculaires, sont restés isolés et dans l’ensemble les températures et la pluviométrie n’ont pas été excessives : à la fin du mois, elles correspondaient à peu près aux normales saisonnières. Ce mois a simplement été morose et humide, ponctué de petites averses fréquentes (16 jours sur 31), avec un ensoleillement inférieur de 12% aux moyennes habituelles. Les pelouses sont restées vertes tout au long de l’été ! Nous avons connu beaucoup de mois de juillet semblables par le passé, notamment en 1997, 1998 et 2004. La différence c’est que le mois d’août avait alors à chaque fois rattrapé la situation… Comme pour chacun de ces millésimes, la vigne a réagi à ces conditions en privilégiant son feuillage plutôt que la maturation des raisins, au tout début de la véraison. Le changement de couleur s’est donc étalé jusqu’après la mi-août, le tout premier ayant été constaté sur quelques grappes isolées de Pessac-Léognan et dePomerol à la mi-juillet. La chaleur de juin avait permis de préserver l’avance de 15 jours du débourrement et de la floraison, et la véraison a commencé pour l’ensemble des vignes pendant la dernière semaine de juillet. Le début s’est bien déroulé mais elle s’est ensuite prolongée, en partie parce que le sol était encore humide à un moment où un stress hydrique aurait été plus approprié pour la maturation des raisins, et en partie à cause de la fraîcheur du mois d’août. Certains ont également attribué la situation à une amplitude thermique insuffisante entre les journées fraîches et les nuits douces. La crainte était alors que la récolte ne s’étale trop et que les vignes ne puissent mûrir correctement et rester saines si l’automne était lui aussi humide et frais. Le mois d’août a été gris. On l’a qualifié à l’époque d’humide mais en fait il était plutôt frais. Les températures ont été inférieures de 2 °C par rapport à la moyenne et l’ensoleillement n’a atteint que 85 % des normales saisonnières. Ce mois a été légèrement plus pluvieux que d’habitude mais il s’agissait d’orages extrêmement localisés et le Médoc est resté presque totalement sec. À ce moment-là, il est apparu que les raisins étaient en train de grossir considérablement, que la pression du mildiou et de l’oïdium ne diminuait pas et, surtout, que l’avance de deux semaines était perdue à cause de la carence en potasse et en magnésium du sol occasionnée par l’humidité. Bien entendu, celle-ci pouvait être comblée mais si ce temps continuait, le pire était à craindre. De plus, on a commencé à envisager des vendanges moins précoces et constaté que la maturation des grappes était inégale. Il a fallu procéder à une deuxième vendange en vert précoce et éliminer toutes les grappes en retard. Souvent un deuxième effeuillage, simultané, a été nécessaire, afin d’aérer encore davantage la vigne. Et, comme si tout cela ne suffisait pas, à la fin du mois, plusieurs appellations ont subi une attaque virulente de cicadelles qu’il a fallu enrayer sans délai. Ces travaux d’été ont été très coûteux et laborieux, car les vignes étaient très denses, mais tout le monde a fait preuve de bonne volonté. Cependant, chacun savait que, quoi qu’il fasse, seul un automne exceptionnellement beau mènerait le millésime à bien.
Un automne prodigieux et inespéré
Comment aurions-nous pu imaginer le retournement qui allait s’opérer ? Vers la fin du mois d’août, les anticyclones, si faibles en juillet et en août, ont atteint toute l’Europe, chassant les dépressions atlantiques – et les nôtres. Le temps allait enfin changer. Les prévisions météorologiques à long terme sont soudain devenues plus optimistes et nous avons connu l’été indien le plus long de tous les temps : à partir de la fin du mois d’août, et jusqu’au dernier jour d’octobre, le soleil a brillé presque en permanence. Des journées chaudes et sèches se succédaient sans fin, uniquement entrecoupées par des orages locaux et isolés (surtout les 17 et 18 septembre) et par des averses légères et nocturnes (entre le 4 et le 16 octobre). Seule la journée du 9 octobre a été vraiment pluvieuse. On se croyait enfin en plein été et les chiffres confirment cette impression : à 26,8 °C, les températures maximales de septembre étaient supérieures de 9 % à celles d’août et de 3 % à celles de juillet. Avec ses 265 heures d’ensoleillement, septembre a été respectivement 27 % et 9 % plus ensoleillé que les mois d’août et de juillet. Quant à la pluviométrie, avec 22 mm de pluie, septembre a été respectivement 3,6 fois et 2,3 fois plus sec qu’août et juillet. Le mois de septembre a ainsi été l’un des plus secs et des plus chauds depuis 100 ans, derrière 1921 et 1985 pour la sécheresse et 1921 et 1961 pour la chaleur. Une semaine après ce retournement inespéré, la récolte des blancs secs pouvait commencer. Les plus précoces ont été vendangés du 3 au 8 septembre, la plupart seulement dans la fraîcheur matinale, avant l’arrivée de la chaleur de la journée (entre 27 et 31 °C). Les sémillons, inhabituellement précoces, ont été ramassés immédiatement après les sauvignons. Mais la plupart des propriétés ont vendangé la semaine suivante, du 9 au 16 septembre, également dans des conditions idéales, avec des journées tout aussi chaudes. De violents orages se sont abattus sur la ville de Bordeaux les 17 et 18 septembre, mais les vignobles de blancs n’ont connu que de petites averses et il a été possible de continuer sans encombre jusqu’au 26 septembre. Les conditions restaient idéales, quoiqu’un peu plus fraîches (21 à 28 °C). Il a rapidement été clair que ces vins blancs avaient accompli leur mission, et plus encore. On parlait des arômes, de la fraîcheur mais aussi de la puissance des vins. Les propriétaires de blancs ont été les premiers à retrouver le sourire après l’inquiétude du mois août. Les merlots ont rapidement rattrapé leur retard de maturation. L’été a peut-être davantage affecté le moral des propriétaires que les vignes qui, ayant reçu une attention constante, ont été plus actives qu’on ne l’avait pensé pendant ces deux mois difficiles. Elles étaient alors prêtes à passer à la vitesse supérieure, certaines passant même de 10 à 13,5° d’alcool potentiel au cours des trois premières semaines de septembre. Hormis quelques ramassages très précoces sur de jeunes vignes, on a pu attendre la fin des averses des 17 et 18 septembre, et commencer les vendanges le lundi 22, sous un ciel radieux. Pour une fois, la récolte des merlots n’a pas dû se faire dans l’urgence : avec de telles conditions, il n’y avait aucun risque de pourriture grise, surtout dans le Médoc, devenu totalement aride (les propriétaires de Margaux et du sud du Médoc ont même été soulagés de voir leur vignoble ravivé par une pluie localisée le 5 septembre, malgré un peu de grêle). Par conséquent, les vendanges ont pu être repoussées plusieurs fois, ces journées supplémentaires permettant de parachever la maturation et d’affiner et adoucir les tannins. Pomerol a ouvert le bal, suivi rapidement par Pessac-Léognan puis par le Médoc, qui précédait inhabituellement Saint-Émilion, où les vendanges de merlot ont duré un mois entier, du 22 septembre au 20 octobre. Ce retard des merlots de Saint-Émilion était probablement dû à la structure particulière de son sol car la fraîcheur du calcaire retarde la maturation et les argiles plus lourdes ont eu besoin d’un temps de récupération plus long après les averses locales de mi-septembre et l’orage isolé du 25. La philosophie des membres, qui souhaitaient mener la maturation à terme, a certainement aussi joué un rôle. Quoi qu’il en soit, dans de telles conditions, toutes les options étaient possibles. En revanche, le Médoc restait sec, ce qui a avancé la maturation des merlots, de sorte que les vendanges de ce cépage sur la rive gauche étaient terminées début octobre. Le découpage des parcelles s’étant en outre affiné ces dernières années, cela a certainement joué un grand rôle dans la détermination de l’ordre de récolte. En effet, chaque parcelle a ainsi pu être traitée une fois parfaitement arrivée à maturité, le moment optimal étant identifié grâce à des dégustations et analyses quotidiennes des raisins de chaque parcelle. Même après tous ces efforts, deux ou trois tables de tri parfois complétées d’un tri optique, ont permis de peaufiner encore la régularité de la vendange. Partout, ces merlots ont suscité une grande satisfaction : ils présentent des arômes francs de fruits rouges, certains, issus d’argiles lourdes, sont plus légers, d’autres, provenant de sols drainants, sont beaucoup plus concentrés, et tous offrent une grande pureté. Les cabernets se sont fait attendre pendant quelques jours. Selon plusieurs membres, ce cépage adore les étés indiens, les saisons très longues et les cycles lents de maturation. On est passé d’une avance de deux semaines à un retard d’une semaine, les raisins sont donc restés trois semaines supplémentaires sur la vigne. Comme pour les merlots, la rive gauche a commencé avant Saint-Émilion. La plupart des domaines avaient terminé avant le vendredi 12 octobre mais certains ont poursuivi la semaine suivante, calmement, sans se presser. Les cabernets francs et les cabernets sauvignons de la rive droite étaient prêts une bonne semaine plus tard et, pour la plupart, les vendanges se sont terminées le 17 octobre. Quelques propriétés ont continué presque jusqu’en novembre. En dehors de la pluie persistante du matin du 9 octobre, les averses occasionnelles du 4 au 16 ont été très légères et n’ont pas affecté la récolte. Les raisins étaient toujours très sains, sans aucune trace de pourriture, avec seulement, comme en 1986, un peu de flétrissement. Comparés aux grosses baies de merlot, les cabernets francs et les cabernets sauvignons paraissaient plus petits, plus concentrés et plus charnus, surtout lorsqu’ils provenaient de sols drainants. Pendant ce temps, àSauternes, les conditions impitoyablement sèches de septembre ont limité la botrytisation à quelques grains isolés, qui ont été ramassés en une série de toutes petites tries fastidieuses, jusqu’à ce que les averses de la semaine du 6 octobre laissent espérer une arrivée plus substantielle de botrytis. Comme en 1997, on a constaté en septembre une attaque sévère de pourriture acide provoquée en partie par les drosophiles (dont un nouveau venu : drosophilia suzukii), ce qui a nécessité un gros nettoyage (« vendanges négatives »), mais a également permis de ramasser quelques raisins botrytisés ou passerillés. En même temps, d’excellents raisins, mûrs mais non botrytisés, ont été récoltés en grande quantité. Ils étaient destinés à l’élaboration de vin blanc sec. Sauternes est resté totalement sec en septembre. Les Sauternais auraient adoré recevoir l’orage qui est tombé sur Pomerol les 17 et 18 septembre ou celui des 29 et 30 septembre dans les Graves. Les vendanges ont donc continué sous la sécheresse, raisin par raisin, à mesure que ceux-ci se botrytisaient. Un exercice laborieux et coûteux qui n’a pas produit plus de quelques hectolitres par jour et a duré jusqu’à ce qu’il pleuve enfin, le 9 octobre. Cette pluie a provoqué un développement très étendu du botrytis au cours des jours inhabituellement chauds (27 °C) qui ont suivi et une deuxième vague de vendanges, beaucoup plus importante que la première, a eu lieu. L’essentiel de la récolte a pu être réalisé grâce aux belles journées ensoleillées et aux nuits fraîches (souvent 4 ou 5 °C) enregistrées du 20 au 26 octobre. Des moûts très purs, affichant régulièrement 20 à 22° d’alcool potentiel, ont été produits. Il a toutefois fallu éliminer tous les raisins touchés par la pourriture acide, qui avait de nouveau sévi, ce qui a engendré un très faible rendement (8 à 10 hl/ha). Presque tous les membres avaient terminé le 26 octobre, mais quelques-uns, surtout ceux se trouvant sur des terroirs plus frais comme Fargues, ont continué jusqu’aux premiers jours de novembre. Septembre s’est conclu sur un total de 265 heures d’ensoleillement – la norme est de 182 ! – et seulement 22 mm de précipitations, un record absolu. Octobre a quant à lui connu 194 heures d’ensoleillement, et à peine 42 mm de précipitations. Ces chiffres sont ceux de la station météo de Mérignac mais ils étaient encore plus impressionnants dans le Médoc, où l’été a été encore plus sec qu’ailleurs. Cet automne totalement exceptionnel est le plus sec de ce siècle.
Un hiver bénéfique
Tout a commencé par l’hiver le plus humide depuis 50 ans et le plus chaud depuis 24 ans. Ces deux facteurs ont été déterminants pour le millésime : l’humidité a permis aux vignes de résister à un été très difficile et la chaleur a favorisé le démarrage très précoce du cycle végétatif. Les précipitations ont été deux fois supérieures à la norme en janvier et une fois et demie en février. Après trois années très sèches, qui avaient engendré de très faibles rendements, les nappes phréatiques ont pu se remplir et offrir à la vigne tout ce dont elle aurait besoin pour affronter la sécheresse à venir du printemps. La chaleur a été un facteur encore plus important que la pluviométrie car elle a favorisé le démarrage très précoce de la vigne. L’avance confortable ainsi acquise a permis de compenser le ralentissement de l’été. Durant l’hiver, il n’a gelé en tout que 8 fois, contre 26 habituellement, en novembre et en décembre. Les mois suivants, il n’a plus gelé et les températures ont dépassé les moyennes saisonnières de 3,8 °C en janvier et 2,3 °C en février. Le gel n’a donc pas gêné la taille, qui a pu aisément être programmée.
Un printemps prometteur
Le printemps a démarré en fanfare : entre le 7 et le 17 mars, les températures diurnes ont très vite atteint 20 à 21 °C, soit 6°C de plus que la norme. Une telle chaleur après la douceur de l’hiver aurait inévitablement provoqué un débourrement immédiat – une précocité très dangereuse – si les températures nocturnes n’avaient pas été si fraîches. Les bourgeons n’ont donc vraiment commencé à se développer que vers la mi-mars, conservant deux bonnes semaines d’avance par rapport au cycle habituel, et devançant de deux jours ceux de 1990 et 2011, deux autres années exceptionnellement précoces. Un tel début était de bon augure, la maturation, et donc les vendanges, ayant de fortes chances d’être précoces, ce qui représente presque toujours un facteur de qualité. Mais la nervosité était également au rendez-vous chez tous les membres, à cause du risque accru de gelées de printemps. En fin de compte, hormis quelques petits dégâts sur certaines parcelles basses du vignoble, surtout en Graves et en Sauternes, la fin du mois de mars et tout le mois d’avril sont restés sagement sous les 5 °C. Avril s’est révélé non seulement chaud mais également très sec, surtout au milieu du mois, et cette sécheresse a temporairement ralenti la pousse de la vigne. Celle-ci a cependant vite repris grâce aux averses qui ont suivi et, fin avril, nous conservions toute l’avance de mars. Depuis un certain temps déjà, les chefs de culture avaient commencé à ébourgeonner et éliminer les « entrec½urs », malgré le faible rendement annoncé, sans doute à cause des mauvaises conditions rencontrées en juin 2013 lors de « l’initiation florale ». Le mois de mai a été frais et humide, avec un pic de chaleur à la mi-mai, juste avant la floraison. Des conditions si variables peuvent compromettre l’éclosion des fleurs, et expliquent probablement les quelques cas de coulure et millerandage observés sur les grappes les plus précoces, surtout pour les merlots et sémillons. Mais la grande majorité des vignes a ensuite fleuri vite et bien pendant la première moitié d’un mois de juin très chaud : les températures ont plusieurs fois dépassé les 30 °C et la circulation de l’air était excellente. Tout ceci était très positif puisque l’avance de deux semaines constatée au débourrement était maintenue à la fin de la floraison, renforçant l’espoir d’une récolte précoce. La seule conséquence négative de la chaleur d’avril et de l’humidité de mai a été une attaque très vigoureuse d’oïdium et de mildiou, qui sont restés virulents jusqu’à la fin de la saison. Il a fallu se montrer extrêmement vigilant, surtout pour les nombreux Grands Crus passés partiellement ou totalement en viticulture biologique ou biodynamique, pour lesquels les traitements sont limités. La prévention s’est avérée la solution la plus efficace, à condition de réagir très vite et de déployer immédiatement machines et personnel, malgré la nécessité de poursuivre les travaux de routine (contrôle du feuillage, du sol et/ou de l’enherbement). L’efficacité des traitements de contact par rapport aux traitements systémiques– tous très coûteux – a été longuement débattue. La lutte contre le mildiou a été longue et onéreuse, mais elle s’est avérée efficace dans la mesure où personne n’a fait état de dégâts sur les grappes, et dans les parcelles où le mildiou s’était installé, seules les feuilles supérieures ont été touchées. Dans l’ensemble, grâce aux efforts tenacement déployés et à la grande précision des traitements, le mildiou a été bien maîtrisé, comme en 2000, et le feuillage a parfaitement contribué à la croissance jusqu’au bout.
Un été très décevant
Face à ces conditions préoccupantes, la réaction de la plupart des membres a été de procéder très rapidement à un premier effeuillage afin de favoriser la circulation d’air autour des grappes, malgré leur taille importante cette année. Un subit pic de chaleur à 31,5 °C le 21 juin, suivi d’un autre, encore plus sévère, à 35,3 °C le 17 juillet (le jour le plus chaud de l’année), a provoqué le brunissement de la peau de ces raisins tendres et non protégés. Pourtant, a posteriori, il semble que cette décision ait été la bonne car la grande majorité des grappes a pu tirer un avantage maximal de ce fabuleux mois de juin. Personne ne pouvait savoir que les derniers jours de juin marqueraient la fin du beau temps, qui ne reprendrait qu’en septembre. En effet, les températures n’ont dépassé que trois fois les 30 °C en juillet, et jamais en août, alors que ces deux mois comptent habituellement au moins 13 jours de fortes chaleurs. Un mauvais temps qui a également nui à la réputation de la région auprès des vacanciers… Par deux fois, en juin, les éléments se sont déchaînés. La grêle a causé de terribles dégâts dans le nord du Médoc la nuit du 8 juin, et de très fortes pluies sont tombées à l’intérieur des terres les 22 et 23 juin. Deux autres épisodes violents mais très localisés se sont produits en juillet. Le premier, le 19, a gâché le festival de jazz de Saint-Émilion et anéanti quelques parcelles dans l’est de cette appellation ; le second, le 25, a provoqué des inondations et des coulées de boue dans nos trois propriétés des Graves. Mais ces événements, bien que spectaculaires, sont restés isolés et dans l’ensemble les températures et la pluviométrie n’ont pas été excessives : à la fin du mois, elles correspondaient à peu près aux normales saisonnières. Ce mois a simplement été morose et humide, ponctué de petites averses fréquentes (16 jours sur 31), avec un ensoleillement inférieur de 12% aux moyennes habituelles. Les pelouses sont restées vertes tout au long de l’été ! Nous avons connu beaucoup de mois de juillet semblables par le passé, notamment en 1997, 1998 et 2004. La différence c’est que le mois d’août avait alors à chaque fois rattrapé la situation… Comme pour chacun de ces millésimes, la vigne a réagi à ces conditions en privilégiant son feuillage plutôt que la maturation des raisins, au tout début de la véraison. Le changement de couleur s’est donc étalé jusqu’après la mi-août, le tout premier ayant été constaté sur quelques grappes isolées de Pessac-Léognan et dePomerol à la mi-juillet. La chaleur de juin avait permis de préserver l’avance de 15 jours du débourrement et de la floraison, et la véraison a commencé pour l’ensemble des vignes pendant la dernière semaine de juillet. Le début s’est bien déroulé mais elle s’est ensuite prolongée, en partie parce que le sol était encore humide à un moment où un stress hydrique aurait été plus approprié pour la maturation des raisins, et en partie à cause de la fraîcheur du mois d’août. Certains ont également attribué la situation à une amplitude thermique insuffisante entre les journées fraîches et les nuits douces. La crainte était alors que la récolte ne s’étale trop et que les vignes ne puissent mûrir correctement et rester saines si l’automne était lui aussi humide et frais. Le mois d’août a été gris. On l’a qualifié à l’époque d’humide mais en fait il était plutôt frais. Les températures ont été inférieures de 2 °C par rapport à la moyenne et l’ensoleillement n’a atteint que 85 % des normales saisonnières. Ce mois a été légèrement plus pluvieux que d’habitude mais il s’agissait d’orages extrêmement localisés et le Médoc est resté presque totalement sec. À ce moment-là, il est apparu que les raisins étaient en train de grossir considérablement, que la pression du mildiou et de l’oïdium ne diminuait pas et, surtout, que l’avance de deux semaines était perdue à cause de la carence en potasse et en magnésium du sol occasionnée par l’humidité. Bien entendu, celle-ci pouvait être comblée mais si ce temps continuait, le pire était à craindre. De plus, on a commencé à envisager des vendanges moins précoces et constaté que la maturation des grappes était inégale. Il a fallu procéder à une deuxième vendange en vert précoce et éliminer toutes les grappes en retard. Souvent un deuxième effeuillage, simultané, a été nécessaire, afin d’aérer encore davantage la vigne. Et, comme si tout cela ne suffisait pas, à la fin du mois, plusieurs appellations ont subi une attaque virulente de cicadelles qu’il a fallu enrayer sans délai. Ces travaux d’été ont été très coûteux et laborieux, car les vignes étaient très denses, mais tout le monde a fait preuve de bonne volonté. Cependant, chacun savait que, quoi qu’il fasse, seul un automne exceptionnellement beau mènerait le millésime à bien.
Un automne prodigieux et inespéré
Comment aurions-nous pu imaginer le retournement qui allait s’opérer ? Vers la fin du mois d’août, les anticyclones, si faibles en juillet et en août, ont atteint toute l’Europe, chassant les dépressions atlantiques – et les nôtres. Le temps allait enfin changer. Les prévisions météorologiques à long terme sont soudain devenues plus optimistes et nous avons connu l’été indien le plus long de tous les temps : à partir de la fin du mois d’août, et jusqu’au dernier jour d’octobre, le soleil a brillé presque en permanence. Des journées chaudes et sèches se succédaient sans fin, uniquement entrecoupées par des orages locaux et isolés (surtout les 17 et 18 septembre) et par des averses légères et nocturnes (entre le 4 et le 16 octobre). Seule la journée du 9 octobre a été vraiment pluvieuse. On se croyait enfin en plein été et les chiffres confirment cette impression : à 26,8 °C, les températures maximales de septembre étaient supérieures de 9 % à celles d’août et de 3 % à celles de juillet. Avec ses 265 heures d’ensoleillement, septembre a été respectivement 27 % et 9 % plus ensoleillé que les mois d’août et de juillet. Quant à la pluviométrie, avec 22 mm de pluie, septembre a été respectivement 3,6 fois et 2,3 fois plus sec qu’août et juillet. Le mois de septembre a ainsi été l’un des plus secs et des plus chauds depuis 100 ans, derrière 1921 et 1985 pour la sécheresse et 1921 et 1961 pour la chaleur. Une semaine après ce retournement inespéré, la récolte des blancs secs pouvait commencer. Les plus précoces ont été vendangés du 3 au 8 septembre, la plupart seulement dans la fraîcheur matinale, avant l’arrivée de la chaleur de la journée (entre 27 et 31 °C). Les sémillons, inhabituellement précoces, ont été ramassés immédiatement après les sauvignons. Mais la plupart des propriétés ont vendangé la semaine suivante, du 9 au 16 septembre, également dans des conditions idéales, avec des journées tout aussi chaudes. De violents orages se sont abattus sur la ville de Bordeaux les 17 et 18 septembre, mais les vignobles de blancs n’ont connu que de petites averses et il a été possible de continuer sans encombre jusqu’au 26 septembre. Les conditions restaient idéales, quoiqu’un peu plus fraîches (21 à 28 °C). Il a rapidement été clair que ces vins blancs avaient accompli leur mission, et plus encore. On parlait des arômes, de la fraîcheur mais aussi de la puissance des vins. Les propriétaires de blancs ont été les premiers à retrouver le sourire après l’inquiétude du mois août. Les merlots ont rapidement rattrapé leur retard de maturation. L’été a peut-être davantage affecté le moral des propriétaires que les vignes qui, ayant reçu une attention constante, ont été plus actives qu’on ne l’avait pensé pendant ces deux mois difficiles. Elles étaient alors prêtes à passer à la vitesse supérieure, certaines passant même de 10 à 13,5° d’alcool potentiel au cours des trois premières semaines de septembre. Hormis quelques ramassages très précoces sur de jeunes vignes, on a pu attendre la fin des averses des 17 et 18 septembre, et commencer les vendanges le lundi 22, sous un ciel radieux. Pour une fois, la récolte des merlots n’a pas dû se faire dans l’urgence : avec de telles conditions, il n’y avait aucun risque de pourriture grise, surtout dans le Médoc, devenu totalement aride (les propriétaires de Margaux et du sud du Médoc ont même été soulagés de voir leur vignoble ravivé par une pluie localisée le 5 septembre, malgré un peu de grêle). Par conséquent, les vendanges ont pu être repoussées plusieurs fois, ces journées supplémentaires permettant de parachever la maturation et d’affiner et adoucir les tannins. Pomerol a ouvert le bal, suivi rapidement par Pessac-Léognan puis par le Médoc, qui précédait inhabituellement Saint-Émilion, où les vendanges de merlot ont duré un mois entier, du 22 septembre au 20 octobre. Ce retard des merlots de Saint-Émilion était probablement dû à la structure particulière de son sol car la fraîcheur du calcaire retarde la maturation et les argiles plus lourdes ont eu besoin d’un temps de récupération plus long après les averses locales de mi-septembre et l’orage isolé du 25. La philosophie des membres, qui souhaitaient mener la maturation à terme, a certainement aussi joué un rôle. Quoi qu’il en soit, dans de telles conditions, toutes les options étaient possibles. En revanche, le Médoc restait sec, ce qui a avancé la maturation des merlots, de sorte que les vendanges de ce cépage sur la rive gauche étaient terminées début octobre. Le découpage des parcelles s’étant en outre affiné ces dernières années, cela a certainement joué un grand rôle dans la détermination de l’ordre de récolte. En effet, chaque parcelle a ainsi pu être traitée une fois parfaitement arrivée à maturité, le moment optimal étant identifié grâce à des dégustations et analyses quotidiennes des raisins de chaque parcelle. Même après tous ces efforts, deux ou trois tables de tri parfois complétées d’un tri optique, ont permis de peaufiner encore la régularité de la vendange. Partout, ces merlots ont suscité une grande satisfaction : ils présentent des arômes francs de fruits rouges, certains, issus d’argiles lourdes, sont plus légers, d’autres, provenant de sols drainants, sont beaucoup plus concentrés, et tous offrent une grande pureté. Les cabernets se sont fait attendre pendant quelques jours. Selon plusieurs membres, ce cépage adore les étés indiens, les saisons très longues et les cycles lents de maturation. On est passé d’une avance de deux semaines à un retard d’une semaine, les raisins sont donc restés trois semaines supplémentaires sur la vigne. Comme pour les merlots, la rive gauche a commencé avant Saint-Émilion. La plupart des domaines avaient terminé avant le vendredi 12 octobre mais certains ont poursuivi la semaine suivante, calmement, sans se presser. Les cabernets francs et les cabernets sauvignons de la rive droite étaient prêts une bonne semaine plus tard et, pour la plupart, les vendanges se sont terminées le 17 octobre. Quelques propriétés ont continué presque jusqu’en novembre. En dehors de la pluie persistante du matin du 9 octobre, les averses occasionnelles du 4 au 16 ont été très légères et n’ont pas affecté la récolte. Les raisins étaient toujours très sains, sans aucune trace de pourriture, avec seulement, comme en 1986, un peu de flétrissement. Comparés aux grosses baies de merlot, les cabernets francs et les cabernets sauvignons paraissaient plus petits, plus concentrés et plus charnus, surtout lorsqu’ils provenaient de sols drainants. Pendant ce temps, àSauternes, les conditions impitoyablement sèches de septembre ont limité la botrytisation à quelques grains isolés, qui ont été ramassés en une série de toutes petites tries fastidieuses, jusqu’à ce que les averses de la semaine du 6 octobre laissent espérer une arrivée plus substantielle de botrytis. Comme en 1997, on a constaté en septembre une attaque sévère de pourriture acide provoquée en partie par les drosophiles (dont un nouveau venu : drosophilia suzukii), ce qui a nécessité un gros nettoyage (« vendanges négatives »), mais a également permis de ramasser quelques raisins botrytisés ou passerillés. En même temps, d’excellents raisins, mûrs mais non botrytisés, ont été récoltés en grande quantité. Ils étaient destinés à l’élaboration de vin blanc sec. Sauternes est resté totalement sec en septembre. Les Sauternais auraient adoré recevoir l’orage qui est tombé sur Pomerol les 17 et 18 septembre ou celui des 29 et 30 septembre dans les Graves. Les vendanges ont donc continué sous la sécheresse, raisin par raisin, à mesure que ceux-ci se botrytisaient. Un exercice laborieux et coûteux qui n’a pas produit plus de quelques hectolitres par jour et a duré jusqu’à ce qu’il pleuve enfin, le 9 octobre. Cette pluie a provoqué un développement très étendu du botrytis au cours des jours inhabituellement chauds (27 °C) qui ont suivi et une deuxième vague de vendanges, beaucoup plus importante que la première, a eu lieu. L’essentiel de la récolte a pu être réalisé grâce aux belles journées ensoleillées et aux nuits fraîches (souvent 4 ou 5 °C) enregistrées du 20 au 26 octobre. Des moûts très purs, affichant régulièrement 20 à 22° d’alcool potentiel, ont été produits. Il a toutefois fallu éliminer tous les raisins touchés par la pourriture acide, qui avait de nouveau sévi, ce qui a engendré un très faible rendement (8 à 10 hl/ha). Presque tous les membres avaient terminé le 26 octobre, mais quelques-uns, surtout ceux se trouvant sur des terroirs plus frais comme Fargues, ont continué jusqu’aux premiers jours de novembre. Septembre s’est conclu sur un total de 265 heures d’ensoleillement – la norme est de 182 ! – et seulement 22 mm de précipitations, un record absolu. Octobre a quant à lui connu 194 heures d’ensoleillement, et à peine 42 mm de précipitations. Ces chiffres sont ceux de la station météo de Mérignac mais ils étaient encore plus impressionnants dans le Médoc, où l’été a été encore plus sec qu’ailleurs. Cet automne totalement exceptionnel est le plus sec de ce siècle.